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Journal de bord

Chapitre 10

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14 NOVEMBRE 2018 – BRAVO JOYON, DÉSO GABART[1], C’ÉTAIT BEAU QUAND MÊME…

Mais dites-moi, les gars, une semaine pour traverser, vous n’avez pas l’impression de survoler un peu trop le voyage ? Non, parce que, à ce rythme-là, vous n’avez pas le temps de profiter du paysage, si ? Franchement, la Route du Rhum, faut quand même la savourer ! Je sais que le ti’ punch de l’arrivée fait du bien, mais de là à boucler l’affaire en sept jours et quelques heures… Prenez le temps de vivre, enfin ! Comment apprécier ces moments de baston au port sous des trombes d’eau (quinze jours à l’arrêt, en fait), les stations balnéaires locales (Los Angeles existe même en Espagne) qui se révèlent des villes encore plus mortes que Batz-sur-Mer un 12 février, les moments de plénitude dans les douches à jets de la marina genre Thalasso Barrière (juste genre, c’est mieux quand l’eau n’est pas coupée), les discussions avec les locaux comme Pedro, le maître de port à l’humour… décapant ? Comment profiter de la faune locale (que des chiens pas plus hauts que 30 cm, la taille du chien est proportionnelle au SMIC local en Espagne ?), des bêtes sauvages (trois dauphins au moins depuis trois semaines) que vous fait rencontrer l’Océan ? Pourquoi ne pas attendre sagement ses petits camarades pour leur proposer des galettes bretonnes avant d’aller se jeter dans la gueule du loup ? 

Faites donc comme Peyron, des zigzags près de la côte, histoire de faire un peu de voile, au moins… 

Et la pétole, chez vous, c’est comment ? Non parce que pour le centenaire du 11 novembre, dans l’Atlantique, la pétole avec 4 m de houle, c’était un peu comme 14-18 : un champ de mines. Comment voulez-vous profiter si vous êtes à 2 m au-dessus de l’eau ? Vous aussi vous barrez avec votre tête dans la bassine ? 

Ça, franchement, j’avais oublié ce que ça faisait, et je dois avouer qu’entre Muros et Baiona, une main sur la barre, une main sur la bassine (les yeux entre la tablette et la bassine, donc), ça m’a rappelé les doux souvenirs de l’an dernier à la même époque. Le jean taille 14 ans, on va y revenir plus rapidement que prévu… 

Et puis franchement, j’espère que vous aussi vous profitez des doux bruits qui vous entourent. La mer, le bruit des vagues, sérénité, moteur, une heure, deux heures, trente-cinq heures de moteur… Alors ouais, quand on n’avait pas de moteur, c’était vachement plus économique, mais, faut pas déconner, c’est plutôt pratique. Niveau sonore, en revanche, après trente-cinq heures, ça devient compliqué, oppressant… et va peut-être falloir investir dans un pilote automatique pour le moteur parce que là, c’est lourd. Barrer dix tonnes chez vous c’est p’têtre fun, mais nous, c’est pas ce qu’on préfère. Au fait, à bord d’IO, quand on rencontre un cargo, c’est toujours un spectacle son et lumière sur leur bateau, on a le temps d’admirer leurs illuminations grandioses, on leur laisse un peu d’avance, t’sais ! Vous, j’suis sûre que vous faites la course avec eux et qu’à peine vous les avez croisés, vous ne vous rappelez même pas en avoir déjà dépassé douze… 

Comme on était déjà un peu en retard pour prendre l’apéro avec vous, et qu’aller se fourguer volontairement dans une — nouvelle — dépression de sud, bah, ça ne nous branchait pas trop, on a refait une pause. Péniche. Et on a rencontré du Baulois au ponton. Comme quoi, rien ne sert de courir, tout ça tout ça…

La prochaine fois, pour être à l’heure pour votre arrivée, j’prendrai l’avion, c’est promis. 

D’ailleurs, faut que je vous dise, arrêtez le solitaire, les gars, la nav’ en double avec douze épaisseurs comme au ski, le tout aromatisé vomi, c’est vachement plus efficace pour pécho… 


Allez, congrats, et… à très vite sur l’Océan ? 


[1] Référence aux deux premiers de la Route du Rhum qui se sont disputé le finish : Françis Joyon, qui a coiffé François Gabart au poteau, à sept minutes de l’arrivée.

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